Les défis et perspectives de la valorisation de la recherche publique en France : un panorama complet

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La valorisation de la recherche publique est stratégique : elle dynamise l’innovation, le transfert technologique et l’écosystème entrepreneurial français. Un récent rapport parlementaire émis par la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire dresse un panorama détaillé de l’écosystème, de ses dispositifs, ses succès, et ses défis. En voici l'essentiel.


Recherche collaborative et simplification : une dynamique à amplifier

Évaluation, pilotage et structuration du système

Acteurs majeurs : progrès, limites et mutations du modèle

Freins structurels et leviers pour accélérer l’impact

Perspectives et recommandations


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Recherche collaborative et simplification : une dynamique à amplifier

La recherche collaborative, moteur d’innovation

En France, les dispositifs de partenariat entre laboratoires et entreprises – tels que Carnot, LabComs, IRT ou PRCE – constituent le socle de l’innovation technologique. Ces collaborations permettent d’accroître l’investissement privé dans la recherche, mais sont freinées par une multiplicité de dispositifs qui, à force de coexister, nuisent à la lisibilité pour les entreprises et limitent l’accessibilité des possibilités offertes. L’efficience du système exige donc une meilleure structuration et une simplification des procédures, enjeu majeur souligné par les acteurs consultés dans le rapport (p. 29-31, 34, 38).

 

Vers des mécanismes plus lisibles et progressifs

Pour surmonter cet écueil, le rapport propose d’améliorer la clarté de l’offre et de privilégier des dispositifs à impact prouvé. Cela passe notamment par :

L’objectif est d’encourager des partenariats plus durables, évolutifs, capables de transformer des collaborations temporaires (comme les contrats Cifre) en alliances stratégiques de long terme (p. 38-39).

Évaluation, pilotage et structuration du système

Priorité à l’efficacité et à la pérennité

Avec la fin annoncée du plan France 2030, il devient impératif de revisiter l’efficience et la pérennité de chacun des dispositifs existants. Le rapport met en garde contre les outils complexes ou peu performants, et encourage toutes les parties prenantes à privilégier des mécanismes éprouvés, faciles d’accès et adaptés au besoin des chercheurs comme des entreprises. La sélection d’outils efficaces doit se faire en fonction des résultats observés, afin de rationaliser les efforts et assurer une allocation optimale des fonds publics et privés (p. 23-24, synthèse p. 5).

Trois axes majeurs pour l’avenir

  1. Coordination territoriale accrue (avec un rôle central pour les Pôles universitaires d’innovation – PUI, et SATT) ;
  2. Pilotage thématique renforcé (meilleure implication des agences programmes nationales) ;
  3. Développement d’une culture de la valorisation (par la formation, la communication, et l’exemplarité, p. 5, 35-37).

Acteurs majeurs : progrès, limites et mutations du modèle

SATT : des résultats solides mais un modèle à adapter

Les SATT (Sociétés d’accélération du transfert de technologies) sont devenues de véritables fers de lance de la valorisation, avec près de 4 000 brevets déposés, 23 000 contrats de recherche signés et 852 startups créées depuis leur lancement. Leur capacité à transformer un brevet en startup innovante atteint 2,35 %, un score supérieur à ceux de Stanford ou du MIT, références mondiales du transfert technologique. Cependant, leur modèle économique – initialement conçu sur des prévisions de rentabilité rapide – s’avère peu compatible avec la temporalité de la maturation technologique. La réforme en cours cherche donc à renforcer leur ancrage territorial et à réaligner les moyens de financement sur les véritables cycles de l’innovation (p. 25-27, 35-37).

Des organismes publics moteurs

Au-delà du succès des SATT, le rapport souligne le dynamisme d’organismes tels que le CEA, l’Inria, l’Inserm ou le CNRS – véritables locomotives nationales en matière d’incubation, de maturation et d’accompagnement de projets entrepreneuriaux. Par exemple, le CEA a déjà essaimé plus de 220 startups, investissant des ressources importantes pour soutenir l’amorçage et la croissance de ces entreprises qui, souvent, révolutionnent leur segment industriel (p. 28).

Startups de la recherche : un vrai dynamisme

Le secteur entrepreneurial lié à la recherche publique est en pleine expansion : début 2023, on dénombrait 1 415 startups issues de l’enseignement supérieur ou de la recherche, la moitié étant accompagnées par un incubateur. Ce tissu de jeunes entreprises illustre la capacité de la recherche publique à irriguer l’économie réelle et à générer de la valeur, y compris dans les secteurs de rupture tels que la deeptech (p. 25).

Freins structurels et leviers pour accélérer l’impact

Sous-investissement privé, potentiel à débloquer

La part des dépenses publiques de R&D financée par l’investissement privé demeure bien en deçà des standards européens : à 5 % seulement contre 11 % en Allemagne, la France pêche par manque de synergie avec ses entreprises. Ce déficit se répercute sur la dynamique collaborative, alors même que la France surperforme la moyenne de l’UE en co-publications public-privé mais reste éloignée des leaders nordiques et suisses (p. 24).

Performance en brevets

En matière de propriété intellectuelle, les performances françaises sont solides : en 2023, 1 669 demandes de brevets issues de la recherche publique ont été déposées à l’Office européen des brevets, positionnant la France au 3ᵉ rang OCDE. Ce dynamisme en matière d’invention montre que le potentiel de transfert des laboratoires est très élevé, même si le passage à l’exploitation industrielle n’est pas encore optimisé partout de façon homogène.

Perspectives et recommandations

Simplifier, coordonner, diffuser la culture de valorisation

Face à la complexité du paysage, le rapport appelle à une sélection rigoureuse des dispositifs : privilégier ceux qui fonctionnent, rationaliser la gouvernance locale (notamment autour des PUI, SATT et OTT) et renforcer l’articulation avec le pilotage national. Il s’agit aussi de former et accompagner massivement les chercheurs vers l’entrepreneuriat, d’introduire la valorisation dans l’ensemble des parcours académiques et de mieux reconnaître l’engagement dans la valorisation dans la carrière scientifique (p. 39-40).

Miser sur les compétences et l’accompagnement

Au-delà d’une logique de résultat à court terme, le renforcement des compétences individuelles et collectives reste à structurer. Cela inclut :

En conclusion

La valorisation de la recherche publique française progresse et rayonne grâce à la multiplication des outils de transfert, un entrepreneuriat vivace, et des SATT reconnues à l’international. Mais le système reste entravé par sa complexité, le manque d’investissement privé et une dispersion des efforts qui nuit à sa pleine efficacité. Pour demain, l’enjeu est clair : simplifier, structurer, et cultiver la valorisation, afin de transformer le très fort potentiel scientifique du pays en résultats économiques concrets et durables.