Malgré une recherche dynamique et une véritable volonté de collaboration public-privé, des obstacles structurels et culturels persistent en France. Sur la base du rapport « Amplifier la recherche partenariale public-privé » (mai 2025) co-écrit par l'ANRT et Udice, l’ABG propose ici une analyse synthétique des freins et des leviers pour renforcer la compétitivité nationale.
La complexité et la saturation du paysage de la recherche : un défi pour la collaboration
La stabilité et la gouvernance : des leviers fragilisés
La question de la propriété intellectuelle : un frein ou un catalyseur ?
La nécessité d’une politique d’accompagnement renforcée
Focus : Les dispositifs « sanctuarisés » plébiscités
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Les acteurs du secteur public et privé déplorent un écosystème de la recherche fragmenté, dont la profusion de dispositifs, d’agences et de programmes complexes nuit à la lisibilité et à l’efficacité. La multitude d’interlocuteurs et la faiblesse de la coordination ralentissent la mise en œuvre de projets collaboratifs, en augmentant les coûts et les délais de négociation.
Selon l’enquête ANRT de 2025, plus de la moitié des répondants pointent la saturation et la complexité du paysage français comme premier frein. La nécessité d’un cadre simplifié et d’outils d’intermédiation efficaces apparaît ainsi comme une condition essentielle pour renforcer la confiance et l’engagement des partenaires privés et publics.
Ce contexte pluridimensionnel crée des disparités entre grandes structures, institutions et PME. Les grandes universités ou organismes de recherche disposent souvent des ressources et de l’expérience nécessaires pour naviguer dans ce paysage, tandis que les PME ou acteurs territoriaux, moins familiers de ces processus, se trouvent souvent exclus ou marginalisés.
La mise en place d’un environnement plus accessible, notamment via des guichets uniques et des dispositifs adaptés, constitue une étape clé pour garantir une intégration plus équitable de tous les acteurs.
Un autre obstacle majeur réside dans la faiblesse de la stabilité des politiques publiques. Depuis cinq ans, plusieurs évolutions du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) ont contribué à une incertitude règlementaire :
Au total, près de 900 millions d’euros de « rabotages » sur le CIR ont été enregistrés récemment, selon le rapport (« abaissement des frais de fonctionnement relatifs aux dépenses de personnel en 2020, suppression de l’aide “jeune docteur”, réduction du taux de frais de fonctionnement en 2025 »).
Les changements réguliers de dispositifs, combinés à un pilotage souvent fragmenté, engendrent une incertitude qui dissuade certains partenaires, notamment privés, d’investir dans des projets à long terme.
Les externalités positives des collaborations requièrent une gouvernance plus participative, favorisant le co-pilotage entre acteurs académiques, territoriaux et industriels. Plusieurs répondants de l’enquête ANRT appellent à plus de copilotage entre académiques et industriels, notamment dans les Pôles Universitaires d’Innovation (PUI) et les Programmes et Équipements Prioritaires de Recherche (PEPR).
La mise en place de conseils de pilotage partagés, intégrant l’ensemble des parties prenantes, pourrait garantir une meilleure appropriation des projets et une adaptation continue aux enjeux opérationnels.
Le partage et la protection de la propriété intellectuelle constituent un enjeu majeur dans les partenariats recherche public-privé, car ils cristallisent souvent les tensions : procédures complexes, durée des négociations, absence de cadre homogène et visions différentes rendent les collaborations difficiles.
Les établissements publics privilégient la diffusion et la publication, tandis que les entreprises cherchent la confidentialité et la sécurisation de leur avantage concurrentiel. Résultat : méfiance, blocages et lenteur des accords. Le rapport recommande d’harmoniser et de simplifier les règles, notamment à travers des contrats types et une montée en compétence des acteurs sur ces questions.
Le rapport préconise l’adoption systématique de contrats types adaptés aux divers cas de figure de la recherche partenariale, à l’instar des pratiques suisses ou allemandes (Fraunhofer). Cinq contrats types, obligatoires, sont proposés :
Cette standardisation, avec parties obligatoires et modulaires, doit réduire les délais, simplifier la répartition des droits et sécuriser chaque acteur.
Au-delà de la simplification administrative, le développement de l’accompagnement constitue une étape clé. La majorité des acteurs interrogés dans l’enquête ANRT soulignent le rôle de la formation croisée chercheurs/entreprises et la nécessité de valoriser les collaborations réussies. Plateformes de mise en relation, campagnes de communication nationales et locales, et partage d’exemples positifs figurent parmi les recommandations centrales.
Les PME, qui représentent plus de 15 % des répondants à l’enquête ANRT, sont celles qui témoignent le plus souvent du manque d’accompagnement, de la lourdeur des démarches et d’une faible lisibilité de l’écosystème. Leur implication passe par des dispositifs d’aides spécifiques (primo-collaborations, phases d’amorçage, soutien financier), la création de guichets dédiés et la mise en valeur de démarches simples adaptées à leur réalité terrain.
Malgré la complexité du paysage, certains dispositifs font l’unanimité tant du côté des entreprises que des académiques et sont considérés à sanctuariser.
Le rapport recommande :
Chaque contrat comprend : cadre du projet, parties prenantes, durée, financement, propriété intellectuelle, confidentialité, publications scientifiques, exploitation des résultats, suivi, assurance, résolution des litiges, et clauses diverses.
Afin de renforcer encore davantage l’efficacité des partenariats public-privé, une réforme en profondeur est indispensable. Cette réforme doit viser :
Ces évolutions sont essentielles pour favoriser une recherche toujours plus collaborative, innovante et compétitive, capable de relever les défis sociétaux et économiques actuels.
Les dispositifs sanctuarisés (Thèses Cifre, CIR, Instituts Carnot) doivent être non seulement maintenus, mais aussi adaptés et valorisés.
Avec une adhésion exceptionnelle des acteurs à ces dispositifs (95 % pour les thèses Cifre), la France dispose des fondations nécessaires pour bâtir un écosystème de recherche partenarial à la hauteur de ses ambitions européennes et internationales.