Quand les chercheurs vous ouvrent leurs portes : les Journées du patrimoine comme pont entre science et société

JEP_2025_ABG

Créées en 1984 en France, les Journées européennes du patrimoine (JEP) sont devenues un rendez-vous incontournable : chaque année en septembre, des millions de visiteurs découvrent des lieux habituellement fermés au public.

Mais au-delà des monuments et des palais, les JEP sont aussi l’occasion pour le grand public d'aller à la rencontre des chercheuses et des chercheurs, afin de découvrir leur travail et surtout de voir que la science fait partie intégrante de notre patrimoine commun.


Le cadre : un vivier d'initiatives et de chiffres révélateurs.

Au-delà de la visibilité... Pourquoi impliquer les chercheurs ?

Tour d'horizon : 10 exemples marquants !

Impact : quelques chiffres utiles.

Vers une sciences plus ouverte : pistes et appels à l'action.


Le cadre : un vivier d'initiatives et de chiffres révélateurs.

Au fil des années, les Journées européennes du patrimoine sont devenues bien plus qu’un simple événement culturel : elles s’affirment comme un observatoire grandeur nature de notre rapport au savoir et à la transmission. L’édition 2024, en France, a confirmé cette force d’attraction, avec plus de 17 000 lieux ouverts et près de 28 000 événements organisés. À l’échelle européenne, ce sont plus de 70 000 manifestations accueillant environ 20 millions de visiteurs, un phénomène transnational qui fait dialoguer publics et institutions autour de ce qui fonde une mémoire commune.

Ces chiffres évoquent bien plus qu’un engouement touristique : ils traduisent une réelle curiosité, ainsi qu'un véritable besoin social de comprendre, d’explorer et d’échanger. La fréquentation globale des sites patrimoniaux en France — 46,8 millions de visiteurs en 2023 — montre que le patrimoine est un moteur culturel de premier plan. Mais il ouvre aussi une scène inédite pour les chercheurs : expliquer au grand public pourquoi la science est indispensable à la conservation, à la connaissance du passé comme à l’anticipation des enjeux futurs. Les JEP deviennent ainsi un moment où sciences et humanités ne sont plus cloisonnées mais s’enrichissent mutuellement.

Pourquoi impliquer les chercheurs ?

Associer le monde académique à cet événement n’est donc pas un simple ajout symbolique, mais répond à des enjeux concrets. Les chercheurs apportent une expertise unique, indispensable afin de comprendre ce qui se joue derrière chaque restauration, chaque méticuleuse intervention de conservation ou chaque étude de laboratoire. Leurs interventions donnent corps à des notions souvent abstraites — diagnostic des matériaux, analyse moléculaire, datation scientifique — et leur confèrent une dimension tangible pour tous.

Cet engagement est aussi une manière de nourrir la curiosité et l’esprit critique, surtout auprès des plus jeunes visiteurs, qui découvrent que la science est à portée de main et peut être source de vocation. En élargissant le regard, les chercheurs rappellent que le patrimoine ne se réduit pas à une esthétique ou à une forme de nostalgie : il est aussi un terrain de débats, où se croisent les questions de transmission, d’innovation technologique et d’usages contemporains de la connaissance. Enfin, en ouvrant les portes des laboratoires, en montrant les outils du quotidien et la diversité des métiers scientifiques, ils renforcent ce lien vital entre science et société et donnent à voir la recherche comme un bien commun à partager.

Tour d'horizon : 10 exemples marquants !

  1. Laboratoire de recherche des Monuments historiques (LRMH) – Champs-sur-Marne

    Le public a pu pénétrer dans des ateliers habituellement fermés où les chercheurs analysent vitraux, enduits et sculptures. Loin de l’image figée du patrimoine, cette plongée dans la matière a révélé les coulisses des diagnostics scientifiques — spectrométrie, analyses chimiques — qui conditionnent chaque décision de restauration.
  2. Collège de France – Paris

    Les visiteurs ont exploré ses bibliothèques et manipulé instruments anciens aux côtés de chercheurs. Entre manuscrits rares et démonstrations, chacun a saisi la continuité entre savoirs historiques et recherche vivante, dans une institution qui incarne l’excellence de la transmission scientifique depuis le XVIe siècle.
  3. INRAE Versailles - Grignon

    En ouvrant ses serres expérimentales et ses laboratoires, l’institut a montré que le patrimoine inclut aussi le vivant. Les chercheurs ont expliqué comment l’analyse des sols, les ressources génétiques végétales et les pratiques agricoles d’aujourd’hui façonnent la durabilité alimentaire de demain.
  4. Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) – Lyon

    Le public a pu découvrir les espaces où s’élaborent les grandes études épidémiologiques mondiales. De la compréhension des mécanismes moléculaires aux recommandations internationales en santé publique, les visiteurs ont mesuré comment cette recherche silencieuse influe directement sur la vie collective.
  5. Arc-Nucleart CEAGrenoble

    Ce laboratoire unique en Europe, spécialisé dans la conservation des objets archéologiques en bois par des procédés nucléaires, a fasciné par la technicité de ses traitements. La rencontre improbable entre physique nucléaire et archéologie a dévoilé une science où haute technologie et fragilité patrimoniale s’allient.
  6. Université de Rouen - Normandie 

    Plusieurs laboratoires ont ouvert leurs portes, révélant les coulisses de l’analyse spectroscopique, des expérimentations en biologie, ou encore de l’histoire numérique. Les chercheurs ont offert un contact direct avec les instruments de la recherche, souvent inaccessibles, dans une ambiance de vulgarisation conviviale.
  7. CNRS Meudon - Bellevue

    Lieu mythique de l’astronomie et de la physique, le site a proposé conférences et visites guidées retraçant son rôle dans de grandes découvertes. Le dialogue entre historiens des sciences et chercheurs actuels a montré combien la recherche contemporaine s’inscrit dans la durée des savoirs.
  8. CEA - Saclay

    En ouvrant ses grands instruments scientifiques, Saclay a rappelé que nos infrastructures de recherche sont elles-mêmes un patrimoine contemporain. Le public a pu rencontrer ingénieurs et physiciens autour des accélérateurs de particules et des installations de pointe.
  9. Observatoire de Paris

    Les coupoles et instruments d’observation ont offert un voyage dans le temps, de l’histoire de l’astronomie à la science de pointe sur l’exoplanète. Les chercheurs ont montré comment l’observation du ciel a façonné notre compréhension du cosmos… et de nous-mêmes.
  10.   Notre-Dame de Paris : le chantier de restauration

    Sur le parvis et dans les ateliers, archéologues, ingénieurs et chercheurs ont partagé l’incroyable diversité des savoir-faire mobilisés depuis l’incendie de 2019 : modélisation 3D, analyses de pierre et métal, reconstitution expérimentale de charpentes. Une démonstration magistrale des alliances entre tradition et innovation.

  

Impact : quelques chiffres utiles.

En 2024, les musées, monuments et centres de science ont accueilli 94,13 millions de visiteurs en France, selon le baromètre CLIC, soit une hausse notable de 6,17% par rapport à 2019. À échelle nationale, ce sont aussi 32,5 millions d’entrées recensées dans les musées nationaux et lieux d’exposition sous tutelle du ministère de la Culture.

Cette fréquentation s’accompagne d’une forte diversification du public : en 2024, 49 % des Français ont déclaré avoir visité un monument, marquant un regain d’intérêt, notamment des publics jeunes, dont la part progresse de 6 % dans les musées nationaux. En Europe, plus de 70 000 événements ont mobilisé environ 20 millions de participants, confirmant la dimension transnationale des JEP.

Au-delà de l’engouement, l’impact économique se traduit fortement : la consommation culturelle liée au patrimoine représente plusieurs milliards d’euros de retombées, et le secteur pèse de plus en plus dans l’attractivité et l’économie touristique. Ces indicateurs illustrent la manière dont les JEP dépassent le rôle de simple médiation culturelle : elles s’affirment comme catalyseur de la dynamique entre science, culture et société.

Vers une science toujours plus ouverte : pistes et appels à l'action.

Comment renforcer cette articulation entre patrimoine et science ? Comment faire en sorte que la recherche trouve pleinement sa place dans cet événement qui attire des millions de regards ? Plusieurs leviers se dessinent :

Au croisement de la culture, de la transmission et de l’innovation, les Journées du patrimoine rappellent que la science ne vit pas hors du monde mais en dialogue constant avec lui. Donner plus de place aux chercheurs dans ce cadre, c’est enrichir l’événement et affirmer que la connaissance, au même titre que les monuments et les œuvres d’art, est une part essentielle de notre héritage commun.