Dans une entreprise finlandaise de biotech
Evelyne Jardin
Géraldine Carrard a fait sa thèse de Biochimie entre l’Institut Pasteur et VTT (Institut de recherche technique de Finlande). Après un passage chez Sanofi-Aventis, elle est entrée chez Ani Labsystems.1/ Pouvez-vous retracer votre parcours entre la soutenance et l’entrée dans votre emploi chez Ani Labsystems ?
Rattachée à l’université Paris 7, ma thèse s’est déroulée pour un quart en France (direction des travaux de recherche) et pour les trois quarts en Finlande (les manipes), mais ce n’était pas une thèse en co-tutelle, c’était dans le cadre d’un programme international de l’Institut Pasteur.
Peu de temps avant de soutenir, j’ai contacté le nouveau directeur de l’école doctorale de Paris 7, car je souhaitais rentrer en France et je pensais à la solution du post-doc. Je suis tombée à pic parce qu’il venait de recevoir un financement d’un programme européen avec un poste de chercheur non contractuel à la clef. Donc, je suis rentrée en France en juin 2000 et j’ai soutenu en novembre 2000.
2/ Combien de temps a duré votre post-doc ?
Deux ans. Je dois avouer que ce post-doc été un choc pour moi parce que les conditions de travail au VTT et à Pasteur, ce ne sont pas celles de Paris 7 ! Enfin, à la fin du post-doc, j’ai postulé chez Sanofi-Aventis et je suis devenue cadre chercheur sur les maladies infectieuses, mais mon mari (qui est Finlandais) voulait rentrer dans son pays. Du coup, j’ai prospecté le marché des biotechnologies en Finlande pour être sûre de quitter la France avec un emploi.
3/ Comment avez-vous obtenu votre emploi en Finlande ?
J’ai sélectionné quelques entreprises autour d’Helsinki et je les ai contactées, de France. Tous les matins, avant d’aller chez Sanofi-Aventis, j’appelais en me présentant, en relatant mon parcours puis je leur demandais s’ils étaient intéressés. S’ils me disaient « oui » ou « peut-être », j’envoyais mon CV et je les rappelais pour m’assurer qu’ils l’avaient bien reçu. Ma démarche a été quelque peu offensive, c’est sûr ! Ensuite, j’ai pris une semaine de vacances pour passer des entretiens sur place. J’ai réussi à en programmer cinq. Parmi les cinq, il y avait Ani Labsystems qui était en train de fusionner avec une autre entreprise. Aussi, dans l’immédiat, ils ne pouvaient pas me recruter. Six mois plus tard, ils m’appellent pour savoir si j’étais toujours intéressée et si je pouvais commencer à travailler le mois prochain. J’ai démissionné de Sanofi-Aventis, déménagé et emménagé en un temps record !
4/ Qu’est-ce qui a compté lors de votre recrutement chez Ani Labsystems ? J’imagine vos compétences scientifiques, vos expériences professionnelles…
Le fait que je sois polyvalente a certainement compté : j’ai fait ma thèse sur de la biophysique pure puis en post-doctorat, je menais des recherches sur le vieillissement humain et chez Sanofi-Aventis, je travaillais sur des anti-infectieux. De plus, j’étais davantage orientée technologie que thématique de recherche. Je pense que tous ces éléments ont été importants.
5/ Quelles sont vos responsabilités au sein de l’entreprise ?
Depuis que je suis à la tête du département R&D, je dois prendre en compte les aspects production et marketing afin que l’on ne sorte pas de nos chaînes de production des produits (qui sont des kits de diagnostic) invendables.
6/ Quelles sont vos conditions de travail ?
La gestion des RH est beaucoup moins hiérarchisée qu’en France et le management est très humain. Ici, on comprend très bien que vous puissiez partir à 13h du travail pour aller chez le dentiste ou que vous partiez à 17h pour récupérer vos enfants à la sortie de la crèche et personne ne pense que vous devez faire des heures supplémentaires si vous êtes cadre. Ca fait du bien, et çà motive pour travailler davantage ! De plus, les Finnois ne sont pas attachés au titre, mais à l’effort et à la créativité.
7/ Travaillez-vous en finnois ?
J’ai la chance de travailler dans une entreprise finlandaise où le fait que je ne sois pas Finlandaise n’est pas considéré comme un handicap. Ce n’est pas le cas partout ! Le finnois est souvent un pré requis à l’embauche.
Chez Ani Labsystems, je travaille essentiellement en anglais. Je parle finnois et je le lis, mais je ne suis pas capable de l’écrire. Pour être plus exacte, je parle l’anglais avec mes collègues et quand je descends sur les chaînes de production, je parle le finnois.
8/ Quelles sont vos perspectives professionnelles ?
La Finlande est un petit pays de 5 millions d’habitants et il n’y a pas beaucoup d’opportunités. Pour l’instant je suis focalisée sur ma maternité. Mon congé va durer un an, ce qui me donne le temps de voir venir.
9/ Du point de vue des papiers pour travailler en Finlande, comment ça se passe ?
C’est toujours un peu pénible au début, mais ce n’est pas très compliqué en tant que membre de l’Union européenne. Pour quelques mois, il faut demander un permis de résidence à la police qui est accordé pratiquement systématiquement quand on a un contrat de travail. Ensuite, il faut s’enregistrer auprès des autorités locales. Chaque démarche prend 3-4 semaines, mais vous pouvez commencer à travailler sans permis de travail, c’est le permis de résidence qui importe… et encore, dans le cas où vous restez plus de trois mois consécutifs dans le pays.
10/ Si un jeune docteur français souhaitant s’installer en Finlande vous demandait des conseils, qu’est-ce que vous lui diriez ?
Je lui conseillerai d’entrer directement en contact avec le labo qui l’intéresse. Les adresses mél ou téléphoniques des responsables sont accessibles et en général, il y a toujours des projets où décrocher un financement pour six mois ou un an. Si vous comptez rester plus longtemps, il faudra se mettre au finnois.
11/ Voyez-vous autre chose à ajouter ?
La Finlande est de prime abord, assez austère. C’est un pays rude qui se mérite. Ce n’est pas facile au début. Il faut persévérer pour s’intégrer et découvrir peu à peu des gens qui se révèlent fort sympathiques.
Propos recueillis le 8 février 2007, par Evelyne Jardin.
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