Faire appel aux anciens pour conserver l’expertise au sein de l‘entreprise
Bérénice Kimpe - Responsable coopération internationale
EDF fait appel à ses retraités pour aider à rétablir le courant après une catastrophe naturelle, afin de venir en renfort de leurs collègues. PWC s’appuie sur son réseau d’anciens pour développer de nouveaux marchés. Areva développe un programme d’experts-retraités pour maintenir les compétences-clés au sein du groupe.Le concept de « réseau des anciens » est
de plus en plus présent dans les entreprises, avec, comme nous venons de
le voir, différents objectifs. Nous allons nous intéresser plus
particulièrement au cas du maintien de l’expertise grâce à la
collaboration post-retraite.
Experconnect est une société spécialisée dans cette démarche : Caroline Young, fondatrice d’Experconnect, et Thomas Brodbeck, dirigeant de la filiale allemande, nous ont reçus pour nous en expliquer les caractéristiques.
Caroline Young a créé Experconnect il y a 11 ans, après avoir identifié des besoins RH liés à l’évolution démographique : avec le départ à la retraite des baby-boomers, les entreprises allaient être confrontées à une forte carence en compétences scientifiques et techniques. L’approche d’Experconnect est alors d’envoyer sur des missions ponctuelles et spécifiques des retraités-experts. Experconnect est présente en France, Allemagne, Suisse, Belgique, Royaume-Uni et à Singapour.
ABG : Pourquoi avoir recours à des retraités plutôt que de procéder au recrutement de jeunes diplômés ?
Caroline Young (CY) / Thomas Brodbeck (TB) : Recruter des jeunes diplômés, c’est un investissement indispensable. On doit les former, les acculturer à leur environnement, aux missions qui leur seront confiées. Cela demande un peu de temps avant qu’ils ne soient complètement opérationnels. Lorsqu’il s’agit de missions ponctuelles, la grande expérience des retraités-experts, associée à la mobilisation de leurs compétences pointues, leur permettent de travailler immédiatement sur les missions qu'on leur confie.
L’autre plus-value des retraités-experts pour les entreprises, c’est de pouvoir disposer de compétences rares ou en voie de disparition. Prenez le cas de Thalès par exemple, qui rencontre certaines difficultés sur la maintenance des radars civils: ces derniers utilisent des techniques analogiques, beaucoup moins attrayantes que le numérique aux yeux des jeunes diplômés.
Enfin, il est important de préciser que le recours aux retraités-experts ne se substitue en aucun cas à un recrutement pérenne. En effet, les missions sur lesquelles ils sont envoyés sont ponctuelles. Areva par exemple limite le nombre de jours d’intervention à 100 par an. Les missions d’Experconnect sont en moyenne de 50 jours par an.
Les retraités-experts sont avant tout là pour faciliter la transition, le transfert de connaissances et de savoir-faire, pour que l’entreprise puisse garder ses compétences et savoir-faire clés.
ABG : Sur quels types de missions les retraités-experts sont-ils demandés ?
CY / TB : Elles concernent le secteur industriel pour lequel les volets scientifiques et techniques sont importants : l’énergie, le ferroviaire, l’aéronautique… Ce sont également des activités à cycle long, comme la R&D par exemple.
Nous évoquions précédemment la notion de transition, de transfert de connaissances : certains retraités-experts servent de mentor pour leurs collègues plus jeunes. La direction scientifique d’Areva par exemple a choisi d’intégrer ce recours aux retraités-experts dans une démarche plus collective avec la création d’un espace collaboratif où les anciens pourraient travailler avec les plus jeunes. Un réseau social technique est d’ailleurs en cours de construction.
Une autre dimension de l’expertise est la vision à long terme. Nos experts sont ainsi capables de venir en renfort d’équipes-terrain pour venir à bout d’un projet dans les délais. Ce fut le cas par exemple pour la livraison du tram d’Alstom à Rio, avant le début des JO.
ABG : Nous venons d’évoquer le cas d’Areva qui fait appel à ses retraités pour certaines missions. Cela signifie-t-il que les retraités-experts ne peuvent réaliser des missions que pour leur ancien employeur ? Si ce n’est pas le cas, y’a-t-il parfois des conflits d’intérêt ? On peut imaginer que sur certains secteurs très innovants et concurrentiels, les entreprises n’ont pas envie d’employer une personne venant du concurrent, ni de voir leurs propres retraités aller chez le concurrent.
CY / TB : Les retraités-experts ne sont pas envoyés exclusivement sur des missions pour leur ancien employeur. Ils peuvent être en effet appelés pour travailler avec les fournisseurs ou les sous-traitants de leur ancien employeur. Généralement, cela permet à ces entreprises de monter en gamme et de mieux répondre aux besoins et attentes de leurs clients, voire de les anticiper.
Ils ne peuvent en aucun cas travailler pour les concurrents de l’entreprise dont ils sont retraités : une clause spécifique de non-concurrence est d’ailleurs prévue au contrat de travail.
Néanmoins, il existe une exception : leur intervention dans le cadre de programmes impliquant différents acteurs du secteur. Très souvent, il s’agit d’un secteur dans lequel les compétences sont extrêmement pointues, spécifiques et peu transférables, difficiles à trouver car un nombre restreint de personnes en dispose. Le nucléaire en est un cas typique. C’est d’ailleurs pour cela que les entreprises du secteur se sont regroupées pour constituer un pool de compétences commun dans lequel chacune peut « piocher ».
ABG : Nous avons évoqué la « motivation » des entreprises à faire appel à leurs retraités. Quelles sont maintenant les motivations des retraités à retourner travailler chez leur ancien employeur ?
CY / TB : Nous avons réalisé une étude à ce sujet et ce qui ressort en premier est la transmission d’un savoir. Il y a un sentiment de fierté et de plaisir qui se dégage dans l’accompagnement des plus jeunes : ils se sentent utiles et valorisés, deux des facteurs majeurs de motivation et ce, quel que soit l’âge.
Exercer une activité salariée ou bénévole après la retraite est relativement courant. En France, 20% des personnes exercent une activité salariée après la retraite. Et cela ne tient pas compte des personnes actives bénévolement.
Le passage à la retraite n’est pas évident, surtout pour les experts qui sont des personnes extrêmement engagées : vous vous donnez à 200% puis, tout à coup, plus rien !
ABG : De la même manière qu’on accompagne les jeunes à s’insérer, il faudrait aussi accompagner les futurs retraités à préparer leur sortie ?
CY / TB : Oui ! Un départ à la retraite réussi se prépare. C’est en effet la dernière étape du projet professionnel et comme pour toute étape, il faut se poser les bonnes questions : quelles sont les démarches à faire ? Quel impact cela va avoir sur ma vie ? Qu’est-ce que j’ai envie de faire ?...
ABG : Puisque nous venons d’aborder la première étape du processus de recrutement côté « candidat », poursuivons maintenant côté « recruteur ». Comment sourcez-vous vos retraités-experts ? Et comment les sélectionnez-vous ?
CY / TB : Nous avons trois canaux principaux. Nos clients nous envoient leurs retraités : ils ont généralement mis en place une communication autour de cette possibilité. Nous faisons également de la chasse, en nous appuyant sur notre réseau de 4.500 experts. Et enfin, nous comptons sur le bouche à oreille.
Nos experts sont organisés par secteur industriel. Chaque pôle a un responsable et c’est lui qui va valider le « recrutement » grâce aux échanges qu’il aura avec les experts de la base, ces derniers validant les compétences techniques du candidat.
Mais la première étape chez nous, c’est la création de leur profil, dans lequel on leur demande de présenter leurs compétences, leur expérience, leur formation. Et dernier élément-clé : leurs attentes. Il est vraiment primordial pour nous de connaître leurs souhaits, leurs envies en termes de missions et de mise à disposition. Nous sommes en effet dans une optique d’engagement, avec une part importante de plaisir professionnel, ils ne sont donc pas obligés d’accepter ce que nous leur proposons. Notre mission consiste à faire matcher leur profil et leurs attentes avec les besoins de nos clients : leur passion pour ce qu’ils font et le sentiment de pouvoir apporter un plus à la mission sont les deux principaux gages de qualité.
L’Association Bernard Gregory (ABG) accompagne depuis plus de 36 ans l’évolution professionnelle des docteurs (PhD) grâce à ses actions de coaching et de formation. Elle vient en appui de toutes les entreprises innovantes désireuses de diversifier leurs équipes par le recrutement de docteurs.
Pour en savoir plus : www.intelliagence.fr
Experconnect est une société spécialisée dans cette démarche : Caroline Young, fondatrice d’Experconnect, et Thomas Brodbeck, dirigeant de la filiale allemande, nous ont reçus pour nous en expliquer les caractéristiques.
Caroline Young a créé Experconnect il y a 11 ans, après avoir identifié des besoins RH liés à l’évolution démographique : avec le départ à la retraite des baby-boomers, les entreprises allaient être confrontées à une forte carence en compétences scientifiques et techniques. L’approche d’Experconnect est alors d’envoyer sur des missions ponctuelles et spécifiques des retraités-experts. Experconnect est présente en France, Allemagne, Suisse, Belgique, Royaume-Uni et à Singapour.
ABG : Pourquoi avoir recours à des retraités plutôt que de procéder au recrutement de jeunes diplômés ?
Caroline Young (CY) / Thomas Brodbeck (TB) : Recruter des jeunes diplômés, c’est un investissement indispensable. On doit les former, les acculturer à leur environnement, aux missions qui leur seront confiées. Cela demande un peu de temps avant qu’ils ne soient complètement opérationnels. Lorsqu’il s’agit de missions ponctuelles, la grande expérience des retraités-experts, associée à la mobilisation de leurs compétences pointues, leur permettent de travailler immédiatement sur les missions qu'on leur confie.
L’autre plus-value des retraités-experts pour les entreprises, c’est de pouvoir disposer de compétences rares ou en voie de disparition. Prenez le cas de Thalès par exemple, qui rencontre certaines difficultés sur la maintenance des radars civils: ces derniers utilisent des techniques analogiques, beaucoup moins attrayantes que le numérique aux yeux des jeunes diplômés.
Enfin, il est important de préciser que le recours aux retraités-experts ne se substitue en aucun cas à un recrutement pérenne. En effet, les missions sur lesquelles ils sont envoyés sont ponctuelles. Areva par exemple limite le nombre de jours d’intervention à 100 par an. Les missions d’Experconnect sont en moyenne de 50 jours par an.
Les retraités-experts sont avant tout là pour faciliter la transition, le transfert de connaissances et de savoir-faire, pour que l’entreprise puisse garder ses compétences et savoir-faire clés.
ABG : Sur quels types de missions les retraités-experts sont-ils demandés ?
CY / TB : Elles concernent le secteur industriel pour lequel les volets scientifiques et techniques sont importants : l’énergie, le ferroviaire, l’aéronautique… Ce sont également des activités à cycle long, comme la R&D par exemple.
Nous évoquions précédemment la notion de transition, de transfert de connaissances : certains retraités-experts servent de mentor pour leurs collègues plus jeunes. La direction scientifique d’Areva par exemple a choisi d’intégrer ce recours aux retraités-experts dans une démarche plus collective avec la création d’un espace collaboratif où les anciens pourraient travailler avec les plus jeunes. Un réseau social technique est d’ailleurs en cours de construction.
Une autre dimension de l’expertise est la vision à long terme. Nos experts sont ainsi capables de venir en renfort d’équipes-terrain pour venir à bout d’un projet dans les délais. Ce fut le cas par exemple pour la livraison du tram d’Alstom à Rio, avant le début des JO.
ABG : Nous venons d’évoquer le cas d’Areva qui fait appel à ses retraités pour certaines missions. Cela signifie-t-il que les retraités-experts ne peuvent réaliser des missions que pour leur ancien employeur ? Si ce n’est pas le cas, y’a-t-il parfois des conflits d’intérêt ? On peut imaginer que sur certains secteurs très innovants et concurrentiels, les entreprises n’ont pas envie d’employer une personne venant du concurrent, ni de voir leurs propres retraités aller chez le concurrent.
CY / TB : Les retraités-experts ne sont pas envoyés exclusivement sur des missions pour leur ancien employeur. Ils peuvent être en effet appelés pour travailler avec les fournisseurs ou les sous-traitants de leur ancien employeur. Généralement, cela permet à ces entreprises de monter en gamme et de mieux répondre aux besoins et attentes de leurs clients, voire de les anticiper.
Ils ne peuvent en aucun cas travailler pour les concurrents de l’entreprise dont ils sont retraités : une clause spécifique de non-concurrence est d’ailleurs prévue au contrat de travail.
Néanmoins, il existe une exception : leur intervention dans le cadre de programmes impliquant différents acteurs du secteur. Très souvent, il s’agit d’un secteur dans lequel les compétences sont extrêmement pointues, spécifiques et peu transférables, difficiles à trouver car un nombre restreint de personnes en dispose. Le nucléaire en est un cas typique. C’est d’ailleurs pour cela que les entreprises du secteur se sont regroupées pour constituer un pool de compétences commun dans lequel chacune peut « piocher ».
ABG : Nous avons évoqué la « motivation » des entreprises à faire appel à leurs retraités. Quelles sont maintenant les motivations des retraités à retourner travailler chez leur ancien employeur ?
CY / TB : Nous avons réalisé une étude à ce sujet et ce qui ressort en premier est la transmission d’un savoir. Il y a un sentiment de fierté et de plaisir qui se dégage dans l’accompagnement des plus jeunes : ils se sentent utiles et valorisés, deux des facteurs majeurs de motivation et ce, quel que soit l’âge.
Exercer une activité salariée ou bénévole après la retraite est relativement courant. En France, 20% des personnes exercent une activité salariée après la retraite. Et cela ne tient pas compte des personnes actives bénévolement.
Le passage à la retraite n’est pas évident, surtout pour les experts qui sont des personnes extrêmement engagées : vous vous donnez à 200% puis, tout à coup, plus rien !
ABG : De la même manière qu’on accompagne les jeunes à s’insérer, il faudrait aussi accompagner les futurs retraités à préparer leur sortie ?
CY / TB : Oui ! Un départ à la retraite réussi se prépare. C’est en effet la dernière étape du projet professionnel et comme pour toute étape, il faut se poser les bonnes questions : quelles sont les démarches à faire ? Quel impact cela va avoir sur ma vie ? Qu’est-ce que j’ai envie de faire ?...
ABG : Puisque nous venons d’aborder la première étape du processus de recrutement côté « candidat », poursuivons maintenant côté « recruteur ». Comment sourcez-vous vos retraités-experts ? Et comment les sélectionnez-vous ?
CY / TB : Nous avons trois canaux principaux. Nos clients nous envoient leurs retraités : ils ont généralement mis en place une communication autour de cette possibilité. Nous faisons également de la chasse, en nous appuyant sur notre réseau de 4.500 experts. Et enfin, nous comptons sur le bouche à oreille.
Nos experts sont organisés par secteur industriel. Chaque pôle a un responsable et c’est lui qui va valider le « recrutement » grâce aux échanges qu’il aura avec les experts de la base, ces derniers validant les compétences techniques du candidat.
Mais la première étape chez nous, c’est la création de leur profil, dans lequel on leur demande de présenter leurs compétences, leur expérience, leur formation. Et dernier élément-clé : leurs attentes. Il est vraiment primordial pour nous de connaître leurs souhaits, leurs envies en termes de missions et de mise à disposition. Nous sommes en effet dans une optique d’engagement, avec une part importante de plaisir professionnel, ils ne sont donc pas obligés d’accepter ce que nous leur proposons. Notre mission consiste à faire matcher leur profil et leurs attentes avec les besoins de nos clients : leur passion pour ce qu’ils font et le sentiment de pouvoir apporter un plus à la mission sont les deux principaux gages de qualité.
L’Association Bernard Gregory (ABG) accompagne depuis plus de 36 ans l’évolution professionnelle des docteurs (PhD) grâce à ses actions de coaching et de formation. Elle vient en appui de toutes les entreprises innovantes désireuses de diversifier leurs équipes par le recrutement de docteurs.
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